jeudi 28 mai 2020

LE COL DE PY : LA CHRONIQUE D'ACTUABD

 Derrière ce titre un peu énigmatique, le dessinateur Espé nous raconte le parcours d’un jeune couple face à une situation familiale et intime bien particulière.

Camille et Bastien vivent une existence bien ordinaire : vie tranquille dans le sud de la France entre famille, les amis et la petite Chloé qui attend avec impatience la venue d’un petit frère.

Mais la vie en décide parfois autrement, le problème cardiaque du nouveau-né va sacrément chambouler le quotidien de la petite famille. En raison de son âge, Le petit Louis ne peut pas subir tout de suite une intervention chirurgicale, les médecins cherchent donc à gagner du temps avant une opération qui pourrait s’avérer fatale. Douleur, doutes, incompréhension, crises d’angoisse, alternance de faux espoirs et d’euphorie durant ces longs moments d’attente vont ainsi traverser le quotidien su couple et de leurs proches. Parmi eux, Pablo le grand-père, atteint d’un cancer, va consacrer ses dernières forces à créer un lien particulier avec le petit garçon en sursis. En un peu plus de cent pages, cet album nous entraîne à la suite d’un véritable parcours du combattant pour la petite famille. Ce parcours s’achèvera au sommet du Col de Py, en Ariège pour des raisons... qu’on ne dévoilera pas, évidemment !

Sous titrée Histoires de vies... , cet album très largement autobiographique aborde un sujet difficile : la malformation cardiaque d’un jeune enfant en évitant soigneusement tout discours larmoyant ou sensiblerie facile. L’histoire du petit Louis se confond avec celle du grand-père en phase terminale de cancer ; la chronique de cette transmission entre une vie qui s’éteint et une qui peine à éclore est la belle trouvaille de la narration.Tout en privilégiant les relations humaines au plus près, le récit ne fait pas l’impasse sur les difficultés inhérentes à ce type de situation.

Derrière l’émotion, l’auteur décrit aussi bien la difficulté de révéler la maladie aux proches que celle d’essayer de vivre "comme si" ; sans faire oublier la froideur du discours médical, l’incompatibilité avec la vie professionnelle normale ou les contraintes du quotidien. Les trajets répétitifs et la multiplicité des rendez-vous avec spécialistes et médecins, le regard "des autres", rien n’est épargné aux deux parents... ni au lecteur !

L’auteur s’est particulièrement attaché à décrire les relations dans toute leur brutalité (parfois), leur humanité (souvent) et leur vérité. La naissance et la mort mais aussi les racines et la famille font partie des thèmes abordés par Espé. Aussi riche et précis dans la description de la maladie que dans l’émotion des principaux personnages son style semi-réaliste rend cette histoire très accessible et fort attachante. Il réussit ainsi à rendre sensible et émouvante cette part d’histoire si intime et si personnelle.

Après de multiples collaborations chez Glénat avec Éric Corbeyran pour la série Châteaux Bordeaux, avec Stéphane Piatszsek pour L’ïle des Justes ou Une Famille en guerre, Espé a déjà connu de beaux succès éditoriaux. Il se révèle également performant dans le récit intimiste. Après le Perroquet (Glénat), récit puissant sur la dépression primé en 2017 à BDBoum, il revient ici avec un récit très personnel, vrai et dont l’émotion ne laisse pas indemne.

Au delà de son titre énigmatique, ce Col de Py mérite qu’on le découvre !


vendredi 22 mai 2020

LE COL DE PY : LA CHRONIQUE DU SITE "AVOIR A LIRE"

Le col de Py . Histoire de vies... nous raconte une course, une course infernale contre la mort courue par Camille et Bastien pour ne pas perdre leur nouveau-né, Louis !

Résumé : Espé nous offre une histoire très forte. Un récit coup de poing et coup de cœur où deux parents se battent pour sauver la vie de leur fils. Soutenus par un grand-père lui-même dans une passe très difficile, les deux parents vont vivre une épreuve extrêmement rude. Une histoire où l’amour devient vraiment salvateur. Espé dessine cette histoire qu’il a écrit, inspiré de sa vie. Un récit richement mis en couleurs par Aretha Battistutta.

Camille et Bastien fêtent l’arrivée de leur deuxième enfant, Louis. Mais il apprennent immédiatement dans la foulée de l’accouchement que Louis, le nouveau-né, souffre de graves malformations cardiaques. Un éminent cardiologue va suivre Louis et faire au mieux, pour retarder le plus longtemps possible une lourde opération. Camille et Bastien vont gérer chacun à sa manière ce choc. Le plus dur est presque de les voir revenir sans cesse chez le cardiologue pour apprendre qu’il faut attendre, qu’on ne peut se décider tout de suite. Attendre, attendre, visite après visite, attendre on ne sait plus quelle nouvelle finalement. On attend, et tant que rien de grave ne se passe, on n’opère pas. Gagner du temps. Mais à quel prix. Camille et Bastien doivent tout le temps se préparer au pire, un pire qui n’arrive pas mais qui reste présent. Comment gérer cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête ?

Heureusement, Camille et Bastien ne sont pas seuls. La famille de Camille est là, et surtout Pablo, le grand-père de Louis, qui va venir et apporter sourire et soutien aux parents et amour et chaleur aux enfants.

On vous en raconte déjà beaucoup et nous ne creuserons pas plus loin. Cette histoire riche en émotions ne pourra que vous secouer. Le petit Louis, Pablo le grand-père au grand cœur, solide comme un roc, mais pas tant que ça, Camille et Bastien, parents aimants, secoués, perdus devant la froideur du corps médical, qui ne trouve pas les mots pour les rassurer, et Chloé, la petite Chloé, la grande sœur de Louis, qui s’occupe de son frère, à sa manière.

Mais ce n’est pas uniquement le périple d’une famille en vase clos, allant de la maison à l’hôpital que Espé nous raconte dans cette histoire. Il y a aussi le regard de la société sur une maladie qui n’a aucun symptôme physique, celui des amis, des autres parents, des collègues de travail, de la famille. Cette course angoissante dans la peur permanente de la phrase des médecins « Ah, là, ça ne va plus. » sabre le moral de Camille et Bastien. Et pourtant, vaille que vaille, entre disputes et réconciliations, entre abandon et volonté de vivre, ils tiennent, un jour après l’autre.

Espé dessine ce récit en adoptant un style réaliste. Il nous offre de magnifiques pages symboliques, où tout vole en éclat au sens propre, où encore ce grand dessin pleine page, de l’examen de Louis par le docteur, qui se couvre de petits dessins, gros plans éparpillés de la scène que l’on regarde. L’auteur utilise les cases et les planches pour créer sans rien dire une ambiance, des moments de tension, de peur, de tristesse, d’amour. Et le maître mot de ce récit est l’amour, d’un père pour sa fille et ses petits-enfants, de parents pour leur fils en danger, d’une famille qui se serre les coudes. Au cœur de ce drame, c’est l’amour qui permet d’avancer jour après jour.

Avant de conclure, un mot des couleurs de Aretha Battistutta qui renforcent les compositions fortes de Espé. Elles apportent la douceur du quotidien mais aussi la tension des moments forts. Discrètes, elles soutiennent le dessin en renforçant l’émotion des personnages, l’émotion palpable que ressent aussi le lecteur.

Le col de Py, histoire de vies... est une réussite poignante. Le parcours d’une famille pour se battre contre la maladie, mais aussi une belle histoire de passation entre Pablo et son petit-fils, Louis. Un récit où l’émotion domine la lecture, un drame humain inspiré de la vie de Espé.