lundi 15 mai 2017

LE PERROQUET : LA CHRONIQUE DE "LA BIBLIOTHEQUE DE NOUKETTE"

 La maman de Bastien ne sourit presque jamais. Le plus souvent, elle pleure. Le reste du temps, elle tente de faire semblant d’aller bien. Mais personne n’est dupe, encore moins Bastien… Quand elle fait ses crises, elle ne se ressemble plus. Un animal apeuré, terrorisé, blessé. Des hurlements qui résonnent jusqu’aux sirènes de l’ambulance qui emmène maman au loin, encore. D’après les médecins, elle souffrirait de « troubles bipolaires à tendance schizophrénique ». Alors maman va à l’hôpital, souvent. Prend des médicaments, tout le temps. Après, un temps, les choses se calment, ils disent même qu’elle va mieux. Dans ses yeux pourtant, un vide immense…

Bastien a une deuxième chambre dans la maison de ses grands-parents, juste à côté. Assez loin pour ne pas être témoin des accès de démence de sa mère dont tente désespérément de le protéger son père démuni. Pas assez pour ne pas entendre la douleur et les cris, pas assez pour ne pas deviner ces scènes qui tournent en boucle dans sa tête d’enfant…

Mais parfois maman revit. L’espace de petites parenthèses aussi rares que précieuses. Des sourires, des promenades en forêt, et la lumière dans ses yeux. Une mince étincelle de vie et une overdose d’amour…

« Quand on se promène dans la rue, personne ne se rend compte que maman est malade depuis longtemps…

Sa maladie est invisible… silencieuse… honteuse… Alors qu’elle est toujours là… dans son dos…

Maman, elle est comme Jean Grey dans les X-men… elle peut exploser à tout moment ! Mais personne ne le sait… sauf moi… »

Bouleversant. Difficile de ne pas fermer ce roman graphique les larmes au yeux, surtout quand on sait que l’auteur s’est inspiré de son propre vécu pour l’écrire. Un récit très personnel et donc forcément très intime. Bastien a grandi avec la maladie de sa mère, une maladie insidieuse, toujours tapie dans l’ombre, prête à surgir à n’importe quel moment. Une maladie qui lui a volé sa mère et son enfance et l’a fait se réfugier dans un monde à lui, un monde où sa mère se transforme en super héroïne…

Graphiquement, c’est bluffant et incroyablement maitrisé. Si le trait se veut naïf et par moments enfantin, les couleurs choisies plongent le lecteur dans un patchwork d’émotions. Un rouge violent pour les crises de démence, du vert pour souligner les quelques parenthèses de vie presque normale et des tas de nuances pour évoquer les divers épisodes de l’enfance de Bastien. Un album intense jusque dans les dernières planches où le titre et l’énigmatique couverture prennent tout leur sens… et une bouleversante déclaration d’amour.

Coup de cœur.